L’épopée de la Manufacture Royale d’Armes Blanches (1730-1860)
L’un des chapitres les plus marquants de cet enracinement industriel s’écrit avec la fondation, en 1730 au hameau de la Manufacture (Bains-les-Bains), de la Manufacture Royale d’Armes Blanches. Autorisée par un édit de Louis XV, elle répond à la volonté du royaume de développer en Lorraine une industrie stratégique à une époque où la qualité des lames françaises peinait à rivaliser avec celle de l’étranger (notamment Solingen ou Toleda). Bains-les-Bains s’impose alors comme un site de choix.
- Localisation stratégique : Établie sur la rivière de la Combeauté pour alimenter les haut-fourneaux et les martinets.
- Rayonnement : Jusqu’à 378 ouvriers recensés à son apogée vers 1810, selon les Archives Départementales des Vosges (fonds 2T 584).
- Productions variées : Sabres, épées, baïonnettes, mais aussi outils agricoles, couteaux et instruments chirurgicaux.
La fabrication y est intégralement artisanale malgré la présence d’ateliers mécanisés pour certains procédés. Le savoir-faire des forgerons, trempeurs, polisseurs, monteurs de pièces emploie à la fois des ouvriers locaux et de nombreux migrants saisonniers. Cette mixité façonne une identité singulière, propice à l’échange de techniques et de traditions.
La Révolution, puis l’Empire, accentuent encore l’activité. On estime qu’entre 1793 et 1814, plus de 50 000 lames sortirent chaque année des ateliers vosgiens, destinées pour une large part à la Grande Armée (source : Les Forges des Vosges, Daniel Hublin, 2005, éd. du Venturon). Mais la concurrence, la mutation des techniques et la centralisation progressent. L’établissement ferme ses portes en 1860, laissant toutefois derrière lui des fondations économiques solides et une mémoire ouvrière qui irrigue la région.