Saint-Colomban de Bains-les-Bains : les secrets architecturaux d’un témoin du temps

26/10/2025

Un édifice enraciné : repères historiques

L’église dans son histoire actuelle date en grande partie du XVIIIe siècle, mais elle s’enracine bien plus loin dans le temps. L’existence à Bains-les-Bains d’un sanctuaire dédié à Saint-Colomban n’est guère surprenante lorsqu’on sait que les moines irlandais ont marqué de leur empreinte l’Ouest vosgien dès le haut Moyen Âge (voir Étienne-Georges Fischer, Histoire de la Vôge, Livre d’histoire, 2016).

Le bâtiment visible aujourd’hui a été reconstruit entre 1758 et 1760, suite à l’effondrement du chœur roman. Bien que le clocher ait été remanié ultérieurement (notamment en 1824, selon les registres paroissiaux), l’église conserve l’essence du grand remaniement du siècle des Lumières. Chaque époque, chaque restauration laisse une trace, un détail qui parle au promeneur attentif.

La façade occidentale : sobriété et symboles

L’élévation principale de l’église, tournée vers la grand-rue et le vieux quartier thermal, affiche une architecture résolument sobre, loin des exubérances baroques. Le grès rose local — matériau dominant — donne à la façade une teinte chaude, surtout au soleil du soir.

  • Le portail central : en plein cintre, il se distingue par ses voussures à peine ornées. Un cartouche, vraisemblablement datant du XIXe siècle, rappelle la dédicace « Sancto Columbano ».
  • Le fronton : un modeste fronton triangulaire, soutenu par deux pilastres d’ordre toscan, coiffe l’entrée et participe à l’élancée du bâtiment.
  • Le clocher-porche : surmontant la façade, il adopte une forme carrée, percée de baies géminées. Le toit à l’impériale, couvert d’ardoises, évoque la tradition vosgienne et rappelle d’autres églises du secteur (cf. INSEE Culture Vosges, base Mérimée).

On retrouve ici une esthétique typique des constructions rurales du XVIIIe siècle en Lorraine, refusant toute démesure au profit d’une expression solennelle mais simple, presque familière.

Les volumes intérieurs : une nef unique, ample et claire

Poussant la porte de Saint-Colomban, c’est la sensation d’espace qui frappe d’emblée. La nef unique, sans bas-côtés, s’étend sur environ 24 mètres de longueur pour 10 mètres de largeur (source : « Monographie de la paroisse de Bains-les-Bains », A. Marchal, 1884).

  • Les voûtes en berceau : la nef est couverte d’un plafond en berceau lambrissé, une rareté locale qui confère une acoustique remarquable, prisée lors des concerts d’orgue et des offices musicaux.
  • Pilastres et corniches : couronnant les murs latéraux, de puissants pilastres d’ordre dorique rythment l’ensemble. Une large corniche s’étire sur toute la longueur, adoucissant la rencontre entre murs et voûte.

Le chœur, légèrement surélevé, ne contrarie pas l’unité de l’espace. La lumière y tombe plus douce, filtrée par des vitraux XIXe siècle qui témoignent du renouveau religieux d’après la Révolution.

Le chœur : un espace scénique et symbolique

Le chœur retient l’attention par sa richesse discrète :

  • Maître-autel en marbre : œuvre d’artisans locaux, souvent attribué à l’atelier de Rambervillers ou à celui de Lépanges, il associe le marbre blanc veiné et le fer forgé, écho à l’industrie sidérurgique de La Vôge. Les colonnettes torsadées sont un clin d’œil à l’art baroque, mais dans une version contenue.
  • Table d’autel sculptée : la gravure représente, dans un style naïf, la rencontre de Saint Colomban et des habitants du “bain”, un motif repris en frise sur certains bancs.
  • Le retable : restauré vers 1863 grâce à une souscription des curistes et des propriétaires de la station thermale (archives municipales), il encadre une toile dédiée au saint fondateur. Le jeu des colonnes, les dorures et les angelots, tout ici trahit l’influence baroque tardive lorraine.

La sacristie, tapissée de boiseries anciennes, dissimule également quelques curiosités : anciens lutrins, armoire d’archives paroissiales et, détail singulier, une niche à hosties en pierre du XVIe siècle, rescapée d’une église antérieure.

Vitraux, lumière et couleurs : un dialogue avec la nature environnante

Les vitraux de Saint-Colomban ne font pas dans la splendeur monumentale ; ils préfèrent la sobriété évocatrice. Commandés à la Maison Ott Frères de Strasbourg en 1897 (source : Archives diocésaines de Saint-Dié), ils racontent, en images paisibles, des scènes de la vie du saint, la vie paysanne de la vallée, mais aussi la faune locale : on y devine sangliers, chevreuils et oiseaux aquatiques.

Ce choix iconographique procède d’un attachement à la ruralité, rarement exprimé ailleurs avec autant de tact. Les verrières laissent entrer une lumière laiteuse qui varie selon la météo et l’avancée du jour ; au solstice d’été, le chœur s’auréole d’un bleu profond étonnant, presque irréel.

Le clocher : un repère dans la Vôge

Le clocher-porche, dont la base sert d’entrée, visible depuis la vallée, s’affirme comme l’élément le plus vertical du bourg. Il héberge l’ancienne horloge mécanique, de la maison Ungerer à Strasbourg — installée en 1908 d’après les factures communales — faisant entendre, aujourd’hui encore, sa marqueterie de sonneries à la volée.

  • Les baies campanaires : en plein cintre, elles laissent deviner les cloches. Celles-ci, fondues à Robécourt en 1764 et 1843, portent les noms de “Marie-Colombane” et “Saint-Nicolas”, ainsi que la mention des principaux donateurs (inscriptions relevées lors des Journées du Patrimoine 2020).
  • Le dôme dit “à l’impériale” : typique de la Lorraine, ce couvrement en ardoises dessine une silhouette reconnaissable de très loin, qui a servi de point de repère aux voyageurs, carrioleurs et pèlerins de la Vôge durant près de trois siècles.

Mobilier et détails cachés : le patrimoine vivant de Saint-Colomban

  • Le confessionnal et la chaire : sculptés dans le chêne local, ils témoignent du savoir-faire des menuisiers bagnards, au XIXe siècle, dont les signatures gravées restent visibles sous les accoudoirs (voir la fiche “Inventaire général du patrimoine culturel”, Région Grand Est). Le confessionnal, plus ancien, date peut-être de la fin du XVIIIe siècle.
  • L’orgue : inauguré en 1857, restauré en 1989, l’orgue Dalstein-Haerpfer de Saint-Colomban présente un buffet à frontons interrompus, en harmonie avec la sobriété du mobilier environnant. Son pédalier concave attire parfois la curiosité des musiciens de passage.
  • Bancs d’officiers thermaux : placés face au chœur, ces bancs étaient réservés aux “personnalités” venues à la station. Ils arborent des blasons discrets : croix de Lorraine, fougère, et le poisson symbolique de la Vôge.
  • Fonts baptismaux : un bloc monolithe de grès sculpté, datable de la fin du XVIe siècle, orné d’un symbole étonnant : deux poissons se croisant, un motif que les férus d’histoire locale identifient parfois aux origines celtiques du site.

Matériaux utilisés et restaurations notables

L’église Saint-Colomban incarne bien l’utilisation des ressources locales. L’essentiel des murs est monté en grès bigarré du Ban d’Allichamps — moins coûteux et plus facile à travailler que le granit. La couverture en ardoises vient des anciennes carrières du Tholy, non loin de là.

Plusieurs campagnes de restauration majeures sont à signaler :

  1. 1883–1884 : remise en état générale suite à l’affaire de la foudre qui, selon les Annales de la Vôge, avait touché le clocher sans effondrer la charpente.
  2. 1919–1926 : restauration des vitraux, après les dommages infligés lors de l’occupation allemande de 1915–1918 (archives diocésaines).
  3. 1982–1991 : travaux sur les couvertures, re-jointement des murs, consolidation de la voûte en berceau de la nef, avec, cette fois, le recours à des techniques contemporaines (injection de résines méthacryliques).

Cette succession de chantiers contribue à la diversité des textures et des patines : aucun mur n’est totalement lisse, aucune pierre n’est parfaitement alignée. L’église, finalement, se donne à lire autant qu’à voir.

L’église Saint-Colomban : un patrimoine à explorer

Derrière l’apparente simplicité de ses formes — façade sobre, clocher carré, nef vaste et claire —, Saint-Colomban révèle une architecture nuancée, héritière d’influences multiples et attentive à l’histoire du lieu. Chaque détail, chaque matériau, chaque élément du mobilier porte la mémoire des habitants, des artisans, des curistes et des pèlerins.

À l’heure où la redécouverte du patrimoine rural s’impose comme une nécessité, la visite de l’église Saint-Colomban s’offre comme une expérience sensible, à la fois architecturale et humaine. Un lieu où la pierre raconte, où la lumière file, où la main de l’homme compose, à sa manière, une page de l’histoire de la Vôge.

Pour aller plus loin

  • Fiche « Église Saint-Colomban » – Base Mérimée du Ministère de la Culture : lien
  • Étienne-Georges Fischer, Histoire de la Vôge, Livre d’histoire, 2016
  • Inventaire Général du Patrimoine Culturel, Région Grand Est
  • Archives diocésaines de Saint-Dié (fonds Bains-les-Bains)
  • Annales de la Société d’Histoire des Vosges, diverses années

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