L'union de trois villages : les raisons et les enjeux de la fusion de 2017

25/06/2025

Des chemins qui se croisent : histoire de trois communes voisines

Au cœur de la Vôge, trois villages inscrivaient encore en 2016 leur nom sur les panneaux : Bains-les-Bains, célèbre pour ses eaux thermales dont la renommée traverse les siècles ; Harsault, lové le long de la Semouse, inattendu car plus discret mais non moins ancré dans une riche tradition rurale ; et Hautmougey, hameau forestier, abritant l’imposant monastère du même nom. Dès la Révolution, leur destin est parallèle : communautés rurales, chacune vivant de la forêt, de l’eau, des savoir-faire modestes mais solides, et tissant entre elles des liens, parfois invisibles, toujours tenaces.

C’est ce tissu, ce voisinage où les histoires et les services s’entremêlent de fait, qui préparait déjà une forme d’union bien avant 2017. Toutefois, la fusion qui donnera naissance à la commune nouvelle de La Vôge-les-Bains n’est pas le fruit d’une simple évidence territoriale. Elle répond à des mécanismes structurels, à une conjoncture nationale et à la nécessité de trouver un second souffle.

2010-2015 : La France encourage la création de "communes nouvelles"

La fusion de Bains-les-Bains, Harsault et Hautmougey s’inscrit dans le mouvement des “communes nouvelles”, impulsé par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, puis renforcé en 2015 (Loi n° 2015-292 dite "loi Pélissard"), qui encourageait vivement la mutualisation des moyens et la coopération entre petites communes.

  • En 2015 : plus de 700 communes nouvelles voient le jour en France, phénomène sans précédent depuis la Révolution.
  • Entre 2010 et 2018, 1 414 communes fusionnent pour former 531 nouvelles entités (source : INSEE).
  • La tentation de la fusion naît d’un double constat : déclin démographique de nombreux villages et la difficulté croissante à assurer la qualité des services publics avec des budgets qui s’amenuisent.

Le gouvernement octroie alors des incitations financières conséquentes aux communes qui font le choix de l’union : maintien temporaire de la dotation globale de fonctionnement (DGF), primes spécifiques et possibilité de mutualiser les personnels. Cela favorise les discussions entre équipes municipales, partout où les villages ressentent la pression de l’isolement.

Pourquoi la fusion à Bains-les-Bains, Harsault et Hautmougey ? Les spécificités locales

Un tissu rural fragilisé

  • En 2014, Bains-les-Bains comptait 1 313 habitants, soit une diminution de près de 13% en vingt-cinq ans (source : INSEE).
  • Harsault (184 habitants) et Hautmougey (62 habitants) concentraient les défis classiques du rural lorrain : écoles menacées, vieillissement de la population, activité économique resserrée autour de quelques artisans et de l’agriculture.
  • La station thermale, fleuron du territoire, connaissait des hauts et des bas : en 2002, on y accueillait 4 000 curistes à l’année ; en 2015, on tombe à un peu plus de 2 500, avant un léger regain à partir de 2017 (source : Thermes de Bains-les-Bains).

Au fil des décennies, services et équipements publics se regroupaient déjà de fait sur la commune centre (école, pharmacie, infrastructures sportives), tandis que la mobilité et la gestion des déchets étaient traitées à l’échelon de la communauté de communes.

Des finances tendues, la mutualisation comme solution

  • La dotation globale de fonctionnement a diminué de 10% entre 2010 et 2015 pour la seule commune de Bains-les-Bains (données : site des finances publiques).
  • Les petites communes rurales françaises voient leur capacité d’autofinancement brute reculer, rendant l’investissement dans l’entretien des routes, écoles, réseaux d’eau de plus en plus ardu.

En fusionnant, les trois villages pouvaient prétendre à une stabilité temporaire des subventions publiques, tout en poursuivant une gestion intégrée du personnel, des équipements et de l’aménagement : une logique parfois jugée “par défaut”, mais chacun a pu témoigner du soulagement apporté par la simplification administrative.

Le processus de fusion : calendrier, débats, décisions

C’est à l’été 2016 que les conseils municipaux respectifs votent le principe d'une union administrative. Les discussions, relatées dans les éditions locales de l'Est Républicain et de Vosges Matin, font état de plusieurs réunions publiques, parfois animées mais jamais acrimonieuses.

  1. En juillet 2016, les conseils municipaux de Bains-les-Bains, Harsault et Hautmougey délibèrent favorablement, à une large majorité, sur le projet de fusion.
  2. Un groupe de travail réunit élus et citoyens pour choisir le nom de la commune nouvelle (plusieurs options débattues, dont "La Vôge-sur-Semouse" ou "Bains-en-Vôge" avant que La Vôge-les-Bains ne s’impose).
  3. Le 12 novembre 2016, l’arrêté préfectoral crée officiellement La Vôge-les-Bains à compter du 1 janvier 2017.

Les préoccupations d’identité, le devenir du patrimoine local, mais aussi la crainte de “se dissoudre dans une entité anonyme” reviennent souvent dans les propos collectés alors : autant de questions qui, selon les élus, furent entendues et tentées d’être “accompagnées” par la création de “communes déléguées”. Ces dernières ont le pouvoir de garder un minimum de représentativité dans la nouvelle organisation municipale.

Après 2017 : premiers bilans, défis et transformations

Une gouvernance renouvelée

Avec 1 559 habitants recensés par l’INSEE en 2021 (INSEE), La Vôge-les-Bains devient la commune la plus peuplée du canton Le Val-d’Ajol, renforçant son poids dans les intercommunalités.

  • L’équipe municipale mutualise désormais les équipes techniques et administratives.
  • Les anciennes mairies de Harsault et Hautmougey restent les relais pour certaines démarches et réunions de quartier.

Des initiatives facilitées

La fusion a débuté avec plusieurs projets emblématiques :

  • La rénovation des thermes (travaux 2018-2022, cofinancés par la commune et la région Grand Est),
  • Une revitalisation du tissu associatif (salon “Vôge Expo”, Journées du Patrimoine élargies),
  • L’accompagnement de l’installation de nouveaux artisans et producteurs (mention dans le rapport 2019 de la Chambre d’Agriculture des Vosges).

Cela n’éteint pas pour autant les inquiétudes : le maintien d’un service postal ou d’une école maternelle à Harsault, l'entretien des réseaux routiers de Hautmougey, restent conditionnés au dynamisme démographique et financier de la commune nouvelle.

Un regard sur l’accueil de la fusion par les habitants

Des sentiments partagés

Un article de Vosges Matin de janvier 2017 recueille les réactions de villageois. Certains regrettent la dilution progressive de “l’esprit du clocher”, d’autres saluent la fin de rivalités anciennes : “On travaillait déjà ensemble pour la fête de la forêt, les chemins de randonnée n’avaient pas de frontière”, confie Claude, ancien bénévole communal.

Le “nom de la nouvelle commune” a suscité, selon les archives municipales, près de 120 suggestions différentes, témoignage des liens sentimentaux au territoire.

Des usages quotidiens peu bouleversés

  • Le tissu associatif, notamment sportif (Football-Club, club de rando) regroupe des habitants des trois anciennes communes depuis les années 1990.
  • Des services comme l’école primaire ou le centre de loisirs étaient déjà intercommunaux.
  • La fusion a surtout transformé les rouages administratifs pour les élus, moins pour la vie quotidienne.

Ce sont les “moments forts” de la vie locale (marchés, festivités, Journées du patrimoine) qui ancrent peu à peu l’unité de la nouvelle commune, sans effacer la mémoire des lieux.

Une dynamique qui s’inscrit dans la durée

La fusion de 2017, loin d’être un cas isolé, raconte aussi une transformation profonde du rural vosgien : le besoin de faire “corps” sans se renier, de bâtir l’avenir à partir d’une histoire partagée. Si l’avenir de La Vôge-les-Bains s’esquisse encore au présent—entre défis démographiques, enjeux de transport, mais aussi nouveaux départs écotouristiques ou créatifs—cette fusion aura marqué une étape clé, où solidarité locale et esprit d’adaptation demeurent les principaux moteurs du vivre-ensemble.

Sources :

  • INSEE – “Les communes nouvelles : chiffres et tendances”, 2018, 2022.
  • Arrêté préfectoral 12/11/2016, archives départementales des Vosges.
  • Vosges Matin, éditions locales, 2016-2019.
  • L’Est Républicain, articles de juillet et novembre 2016.
  • Rapport 2019 Chambre d’Agriculture des Vosges.
  • Site officiel Thermes de Bains-les-Bains.
  • Archives municipales de Bains-les-Bains, 2015-2017.

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