De l’union des communes à l’élan local : impacts de la fusion sur l’économie et le tourisme à Bains-les-Bains

19/07/2025

Quelques repères : comprendre la fusion communale à La Vôge-les-Bains

Plus discrètes que les grandes réformes nationales, les fusions de communes ont bouleversé le quotidien de nombreux Français au cours de la dernière décennie. À la faveur de la loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) votée en 2015, des centaines de collectivités ont été invitées à s’unir pour gagner en efficacité administrative, optimiser les moyens et renforcer leur poids politique. Au 1er janvier 2017, Bains-les-Bains, Harsault et Gruey-lès-Surance sont devenues La Vôge-les-Bains.

  • Bains-les-Bains : 1 254 habitants (INSEE 2016), station thermale réputée mais en déclin relatif.
  • Harsault : 465 habitants (2016).
  • Gruey-lès-Surance : 485 habitants (2016).

Des populations vieillissantes, un tissu commercial fragilisé, des enjeux de mobilité et une attractivité touristique à relancer : telles étaient les principales préoccupations partagées. La fusion devait répondre à ces défis en réorganisant les moyens et stratégies locales. Mais qu’en est-il réellement sept ans après ?

Un nouvel élan… ou un simple regroupement ? Les promesses de la fusion

La création de La Vôge-les-Bains s’est faite sous le signe du pragmatisme. Les élus prédisaient que la mutualisation des services, le partage des équipements et la mise en commun des budgets offriraient aux habitants une meilleure qualité de vie et une capacité accrue à piloter des projets d’envergure.

  • Rationalisation des équipements sportifs et culturels
  • Création d’une Maison France Services en 2020
  • Mutualisation de budgets pour l’entretien de la voirie

Un autre aspect mis en avant : la capacité de la nouvelle commune à décrocher des subventions régionales, départementales ou européennes plus substantielles, les crédits étant parfois indexés à la taille des communes candidates. Sur ce point, les budgets municipaux ont effectivement progressé, principalement grâce à une dotation plus élevée (la "Dotation Globale de Fonctionnement").

Des chiffres et des faits : l’économie locale, entre évolution et défis persistants

Au-delà des discours, que disent les chiffres et les acteurs locaux ?

  • Démographie : Si la population totale de La Vôge-les-Bains stagne autour de 2 200 habitants (INSEE 2021), la fusion n’a pas, à ce jour, inversé la tendance déclinante, mais elle a permis d’éviter certaines fermetures de services.
  • Emploi : D’après Pôle Emploi et la Chambre de Commerce et d’Industrie des Vosges, le tissu économique local reste fragile : secteur tertiaire dominant, importance de l’intercommunalité (et non de la seule commune), fermeture de plusieurs petits commerces (notamment à Harsault). Mais apparaissent aussi, depuis 2021, des créations timides : un atelier d’artisanat du bois, l’ouverture d’une microbrasserie, ou encore une reprise d’épicerie à Gruey.
  • Finances publiques : Depuis 2017, le budget de la commune nouvelle tourne autour de 3,7 millions d’euros par an (source : compte administratif 2022), permettant le maintien de l’école primaire, la rénovation de deux salles communales et un début de rénovation thermique de bâtiments publics.

Des initiatives, mais peu de transformation du tissu industriel

Sur le plan industriel, l’héritage des scieries et petites usines hydroélectriques s’estompe. Un projet de relance de la filière bois est évoqué régulièrement, mais reste dépendant d’initiatives privées, peu facilitées par la fusion.

Les agriculteurs, bien présents (40 exploitations recensées sur l’ensemble de la commune en 2023, chambre d’agriculture), ressentent peu l’impact direct de la nouvelle configuration administrative. Ce sont davantage les politiques intercommunales qui orientent les soutiens.

L’impact touristique : continuité, renouveau ou déception ?

  • Les thermes, un moteur fragile : Le thermalisme, autrefois pilier de Bains-les-Bains, attire désormais moins de 3 000 curistes par saison (INSEE, 2019), contre plus de 5 000 trois décennies plus tôt. La fusion n’a pas suffi à enrayer ce déclin structurel, en grande partie lié à l’évolution des pratiques de santé et à la concurrence des autres stations.
  • Patrimoine et nature : la carte à jouer
    • Réseau de sentiers pédestres rénové sur le territoire élargi (près de 80 km balisés par la commune en 2021, Office de Tourisme), avec des efforts visibles sur l’entretien et la promotion auprès des visiteurs régionaux.
    • L’étang Lallemand, les sources, l’arboretum et les mosaïques thermales bénéficient d’une signalétique modernisée depuis 2018.
  • Structuration de l’offre : Un office de tourisme commun (rattaché à la Communauté d’Agglomération d’Épinal depuis 2017) coordonne la communication et les animations, avec une légère augmentation de la fréquentation estivale en 2022 (estimation : +7% de passages, source OTCA Épinal).

Actions culturelles et événements

  • Mise en réseau des associations locales, programmation d’événements communs (expositions, marchés).
  • Création d'une “Fête de la Vôge" annuelle — initiative rendue possible par la mutualisation des moyens et le rapprochement des forces vives.

Ressources, identité et participation locale : quels effets durables ?

Ce que la fusion a permis, c’est d’ouvrir un chantier d’identité commune. Création d’un logo, harmonisation des supports de communication, conseils municipaux tournants dans les différents villages. Le sentiment d’appartenance, cependant, reste en construction : selon des témoignages recueillis auprès d’habitants de Bains-les-Bains et Harsault, nombre d’anciens restent attachés à leur village d’origine, tout en partageant un constat : “la fusion n’a pas bouleversé notre vie quotidienne, mais elle nous a permis de garder des services qu’on aurait peut-être perdus sinon” (témoignage lors du conseil citoyen, septembre 2023).

  • Participation accrue : Les conseils de quartier, mis en place en 2018, favorisent la circulation de l’information et la co-construction de projets locaux, même si l'implication reste modérée.
  • Communication renforcée : La mise en place d’une lettre d’information à l’échelle de la commune nouvelle, et un site internet dynamique, ont contribué à une meilleure diffusion des nouvelles initiatives et événements.

S’équiper pour l’avenir : enjeux et perspectives

Les défis principaux demeurent :

  • Attirer de nouvelles familles : relance du tissu scolaire, accès à la mobilité (expérimentation du transport à la demande régional en 2022).
  • Moderniser l’habitat et les équipements : développement d’un programme d’aide à la rénovation thermique pour les propriétaires privés dès 2021 (source : Communauté d’Agglomération d’Épinal).
  • Redynamiser le commerce de centre-bourg : création d’une “boutique à l’essai” financée par le Réseau Initiative Vosges, pour tester de nouveaux commerces avant installation définitive (expérience lancée en 2023, largement médiatisée localement).
  • Poursuivre l’intégration des parcours touristiques “de mémoire” et “nature” en lien avec l’histoire thermale, la Grande Guerre (forêt et stèles), et les savoir-faire locaux (ateliers découvertes).

Sur le front touristique, des marges de progression existent, en particulier via l’accueil d’un tourisme “doux” : cyclotourisme sur la voie verte (inaugurée en 2019, près de 12 000 passages comptabilisés l’été 2022 selon le Conseil Départemental), séjours bien-être, séjours botaniques. L’offre d’hôtellerie reste toutefois limitée, rendant la coopération intercommunale encore essentielle.

Regards croisés d’habitants et d’acteurs du territoire

Pour compléter le tableau, plusieurs entretiens avec des acteurs locaux confirment que la fusion n’a pas constitué une révolution, mais plutôt un tremplin modeste : maintien des services, mutualisation d’événements et capacité à répondre collectivement aux appels à projets. Des anciens rappellent que “l’union fait la force, surtout dans les moments difficiles”, tandis que d’autres regrettent une certaine dilution de l’identité villageoise.

  • Jean-Marc, commerçant : “Ce n’est pas la fusion qui fera revenir le monde, mais elle nous a permis de prendre le temps de réfléchir ensemble à l’avenir du bourg.”
  • Anne, curiste régulière : “J’ai vu évoluer Bains-les-Bains, la station a perdu du lustre, mais la nature est mieux valorisée, et ça fait toute la différence quand on cherche le calme.”

Entre continuité, modestes victoires et fragilités persistantes

Le passage à la commune nouvelle n’a pas effacé d’un trait les faiblesses structurelles : déclin démographique lent, dépendance au thermalisme, vulnérabilité des commerces. Pourtant, la fusion a permis de préserver les finances, de mutualiser les efforts, et de maintenir vivaces des associations et projets partagés. Elle a aussi renforcé l’idée qu’un destin local se construit désormais à plusieurs voix, enraciné dans l’attachement au territoire mais ouvert à de nouvelles manières de “faire ensemble”.

Peut-on parler de révolution ? Non. Mais d’une transition patiente — à l’image des paysages et du tempo local — qui, par petites touches, esquisse l’avenir de la Vôge et de ses habitants. Au travers des efforts conjoints, des modestes rebonds économiques, et du fil continu de la vie associative, la réponse à la question initiale semble donc nuancée, teintée de réalisme et d’espérance.

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