La création de La Vôge-les-Bains : trois villages pour une commune

22/06/2025

Le contexte de la fusion : comprendre la mutation des territoires ruraux

Depuis le début des années 2000, la France encourage la rationalisation administrative et les rapprochements communaux. Le législateur a posé les jalons, à travers notamment la loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République, 2015), qui a accéléré ce mouvement. Ce contexte s’est imposé particulièrement dans les Vosges, département où nombreuses étaient les très petites communes, parfois en difficulté pour maintenir certains services ou pour porter des projets communs (source : Ministère de la Cohésion des territoires).

Les motivations les plus souvent avancées pour ces regroupements sont la mutualisation des moyens, la simplification de la gestion et la volonté de peser davantage face à la baisse des dotations de l’État. Mais la dimension identitaire reste prégnante, car, ici, chaque village porte une histoire solide et une mémoire à respecter.

Trois villages, une même commune : Bains-les-Bains, Harsault et Hautmougey

La Vôge-les-Bains est née le 1 janvier 2017 de la fusion de trois anciennes communes vosgiennes : Bains-les-Bains, Harsault et Hautmougey. Regardons, au fil de leurs particularismes, ce que chacune a apporté à ce nouveau territoire.

Bains-les-Bains : la cité thermale

Bains-les-Bains, jadis chef-lieu du canton, a toujours été la plus grande des trois, aussi bien en superficie qu’au niveau démographique. La commune rayonne depuis le XVIII siècle grâce à ses thermes, fréquentés par de nombreuses personnalités — dont l’écrivain Lamartine, qui y fit plusieurs séjours, comme en témoignent les archives de la ville.

  • Superficie : 26,26 km²
  • Habitants en 2014 : 1 291 (source : INSEE)
  • Patrimoine remarquable : église Saint-Colomban, parc thermal, ancien hôtel des bains, ponts sur la Côney…
  • Économie : thermalisme, petite industrie, agriculture, accueil touristique.

Bains-les-Bains a longtemps tiré sa vitalité de ses eaux, réputées notamment pour soigner les affections cardio-artérielles. L’activité thermale attire chaque année curistes et visiteurs, dynamisant les commerces et services. Ce passé thermal infuse l’identité de la nouvelle commune : c’est aussi pour cette raison que le nom « La Vôge-les-Bains » a été retenu.

Harsault : le village des forêts et des eaux vives

En remontant la vallée de la Côney, Harsault se découvre entre ruisseaux, étangs et petites collines boisées. Ce village est resté, jusqu’à la fusion, farouchement rural, fidèle à ses traditions et à son tissu agricole.

  • Superficie : 9,23 km²
  • Habitants en 2014 : 323 (source : INSEE)
  • Atouts du patrimoine : fontaines, lavoirs, fermes typiques, étangs (dont l’Étang Lallemand, aujourd’hui prisé des pêcheurs).

Si Harsault a souvent souffert, comme d’autres localités rurales, de la baisse de ses effectifs scolaires et de la fermeture de certains services publics, le village était attaché à la solidarité de proximité. Le tissu associatif, notamment autour de la chasse et de la pêche, a permis de maintenir un esprit communautaire très marqué.

Hautmougey : l’histoire d’un hameau en sursis

Avec moins d’une centaine d’habitants (71 recensés en 2014, source : INSEE), Hautmougey était la plus petite des trois à la veille de la fusion. Son histoire, marquée par l’isolement, illustre les défis des micro-communes en milieu rural.

  • Superficie : 6,68 km²
  • Habitants en 2014 : 71
  • Spécificités : ancienne scierie hydraulique, chapelle, hameaux dispersés, belvédère sur la vallée de la Côney.

Malgré ses faibles moyens, Hautmougey a toujours tenu à préserver un mode de vie axé sur la nature et l’artisanat local. On y trouve encore quelques traditions de fêtes villageoises et une mémoire collective active.

Chronologie : étapes-clés de la fusion

Si la création de La Vôge-les-Bains est effective depuis 2017, elle a demandé plusieurs années de concertation et de préparation. Voici les grandes dates qui ont jalonné ce processus :

  1. Débats préliminaires dès 2015, avec des réunions intercommunales et l’appui de la Communauté de communes du Pays de la Vôge.
  2. En 2016, délibérations et votes dans les conseils municipaux de chaque commune. Majorité absolue requise, ce qui ne fut pas sans débats, notamment à Harsault, où certains élus redoutaient la perte d’identité.
  3. Été 2016 : signature de la charte de fusion, garantissant la représentativité et le maintien de certains services dans tous les villages, selon la philosophie « une commune, plusieurs visages ».
  4. 1 janvier 2017 : création officielle de la commune nouvelle de La Vôge-les-Bains, sous arrêté préfectoral (source : Préfecture des Vosges).

Ce sont donc près de 1 700 habitants qui se sont retrouvés rassemblés sous une même bannière communale, tout en gardant vivantes les spécificités de leurs villages.

Les conséquences de la fusion pour les habitants

La nouvelle organisation a offert plusieurs avantages mais aussi suscité appréhensions et questions.

  • Gains administratifs : un secrétariat unique, des moyens mutualisés, une fiscalité commune et l’accès à de nouvelles subventions réservées aux communes nouvelles.
  • Maintien des écoles : chacune a conservé sa structure scolaire dans un premier temps, même si la réflexion reste permanente pour maintenir un équilibre face à la baisse démographique nationale.
  • Proximité : une mairie annexe reste ouverte dans les villages pour les démarches courantes.
  • Projets structurants : une piscine et une médiathèque intercommunales modernisées, rénovation de voies rurales, mutualisation des équipements sportifs…

Certains habitants, surtout les plus âgés, avouent parfois rester attachés à l’ancien nom de leur commune mais reconnaissent que l’appellation « La Vôge-les-Bains » gagne en visibilité, notamment auprès des curistes de passage et des touristes, ce qui favorise le développement local (source : Vosges Matin).

Anecdotes et petites histoires du nouveau territoire

La fusion, c’est aussi une mosaïque de récits et de symboles partagés :

  • La première messe commune a été célébrée en juin 2017 autour de la nouvelle bannière de la Vôge.
  • Chaque été, la Fête de l’eau rassemble désormais curistes, pêcheurs et familles des trois anciennes communes autour d’animations sur la Côney et dans le parc thermal.
  • Le logo et la devise de la nouvelle commune (« Trois villages, un esprit ») ont été élaborés par un groupe de jeunes du collège local, récompensés lors d’un conseil municipal solennel.
  • Le monument aux morts de Hautmougey a été restauré à cette occasion, financé à parts égales par les trois anciennes communes, comme symbole d’un nouveau vivre-ensemble.

Mutation territoriale et avenir : entre héritage et innovation

La Vôge-les-Bains n’est pas qu’une addition de noms ou de territoires : la commune nouvelle s’articule aujourd’hui entre ses héritages, des équipements d’avenir, et l’espoir de stabiliser la démographie grâce à de nouvelles installations artisanales et touristiques.

En à peine quelques années, de nouveaux commerces (microbrasserie, fromagerie) ont trouvé leur place, en s’appuyant sur la vitalité du tissu associatif et la richesse du patrimoine environnemental. Les circuits de randonnées autrefois séparés (GR7, sentiers locaux) sont désormais balisés sous une identité commune, invitant à la découverte de chaque hameau, alors que le patrimoine thermal continue d’évoluer vers le bien-être et le tourisme vert.

La fusion de Bains-les-Bains, Harsault et Hautmougey a donné naissance à une commune qui incarne les défis d’aujourd’hui dans la ruralité : entre respect des racines et nécessaire adaptation, La Vôge-les-Bains démontre que le territoire vit tout autant dans la mémoire que dans l’élan. Un équilibre, assurément fragile mais quotidiennement réinventé par ces villages de la Vôge.

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