La Vôge-les-Bains : de la fusion communale à la métamorphose d’un territoire vosgien

19/06/2025

Trois communes, une nouvelle entité : la naissance de La Vôge-les-Bains

La Vôge-les-Bains trouve ses racines dans une histoire ancienne, mais son nom n’existe officiellement que depuis le 1er janvier 2017. Ce jour-là, sous l’impulsion de la réforme territoriale, la commune nouvelle rassemble :

  • Bains-les-Bains (environ 1 200 habitants à l’époque, connue pour ses thermes)
  • Harsault (environ 300 habitants)
  • Hautmougey (environ 120 habitants)

La réunion de ces trois communes, situées dans le canton du Val-d’Ajol, porte le total à un peu plus de 1 600 habitants selon les chiffres INSEE de 2017 (INSEE). Ce territoire étiré au fil du Côney et de la forêt domaniale conserve les centres-bourgs, églises et mairies des anciennes entités, mais ne forme désormais plus qu’une seule commune au sens administratif.

Les raisons de la fusion : entre nécessité et projection

Plusieurs facteurs expliquent le regroupement :

  • Recherche d’efficacité administrative : La taille modeste des trois communes limitait leurs moyens humains et financiers, tout en complexifiant la gestion des services (voirie, école, social…).
  • Incitations financières : L’État a accompagné (jusqu’en 2019) les communes nouvelles par une stabilité de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et par des incitations à mutualiser les moyens (Vosges Matin, 24/12/2016).
  • Anticipation de la réforme territoriale : La loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République, 2015) poussait à rationaliser les intercommunalités et à renforcer les communes.
  • Enjeux démographiques et maintien des services : La population des villages diminuait ou vieillissait. Fusionner pouvait renforcer la pérennité des écoles, de la bibliothèque, du centre de santé et des services publics essentiels.

Pour Bains-les-Bains, station thermale autrefois prospère, l’intégration de Harsault et Hautmougey permettait aussi d’élargir le bassin de vie et de soutenir la dynamique locale.

Les étapes administratives d’une fusion

La fusion ne s’est pas faite en un jour. Plusieurs étapes jalonnent le processus :

  1. Délibérations communales : Les conseils municipaux de Bains-les-Bains, Harsault et Hautmougey ont dû formaliser leur volonté de se regrouper. Les votes se sont tenus à l’été 2016.
  2. Projet de charte fondatrice : Une charte a été rédigée pour préciser l’organisation de la future commune, le sort des écoles, l’usage des mairies déléguées et la représentation de chaque entité dans le nouveau conseil municipal.
  3. Arrêté préfectoral : Sur la base des délibérations et du projet de charte, le préfet des Vosges a signé l’arrêté entérinant la création de La Vôge-les-Bains, publié au recueil des actes administratifs fin 2016.
  4. Mise en place du conseil municipal unique : Au 1er janvier 2017, un nouveau conseil municipal est installé, comprenant les anciens maires comme « maires délégués ».
  5. Transfert des compétences et du patrimoine : Les biens, budgets et agents communaux sont transférés. Les services techniques, écoles, salle des fêtes deviennent des équipements communaux.

Le processus est balisé nationalement, mais chaque fusion a ses singularités et ses choix propres.

Les conséquences pour les anciennes communes : nouvelles frontières et nouveaux enjeux

La disparition administrative des anciennes communes entraîne une modification des référentiels usuels. Certaines conséquences remarquables :

  • Nouvelle gouvernance : Les conseils municipaux locaux perdent leur autonomie au profit d’un conseil centralisé, même si chaque village dispose d’un maire délégué (article L2113-12 du CGCT).
  • Fin du code postal autonome : Harsault et Hautmougey adoptent le code postal unique de La Vôge-les-Bains (88240), ce qui marque l’abandon du nom dans certains usages quotidiens.
  • Cérémonies, gestion des lieux et symboles : Les festivités, commémorations ou cérémonies religieuses sont mutualisées, même si certains usages perdurent (cloche, fête patronale…)

La place des habitants dans la décision : concertation, craintes et attentes

L’assentiment des habitants a constitué un critère majeur de la réussite de la fusion, au-delà du cadre légal. À Bains-les-Bains, plusieurs réunions publiques et, dans les petites communes, une information de proximité ont été organisées pour donner la parole aux riverains et détailler les conséquences (réponses aux inquiétudes sur les écoles, l’entretien de la voirie, le rôle du maire délégué, etc.).

Aucune consultation par référendum local n’a été organisée, mais la plupart des conseils municipaux sont restés attentifs aux motions et retours par pétition ou courrier. Parmi les inquiétudes relevées lors des discussions :

  • la crainte d’une perte d’identité spécifique pour les plus petits villages ;
  • l’équité de la répartition des investissements ;
  • le risque d’être « oublié » par le nouveau centre communal.

Si les décisions se sont majoritairement faites par représentation, la communication régulière, notamment à travers le bulletin municipal unifié et des rencontres de terrain, a permis, sinon l’adhésion, du moins la compréhension progressive des enjeux.

Le rôle du canton du Val-d’Ajol dans la réorganisation

Le canton du Val-d’Ajol, auquel appartiennent Bains-les-Bains, Harsault et Hautmougey, a joué un rôle d’accompagnement. Le conseiller départemental, relayant les préoccupations locales, a milité pour que les besoins spécifiques (transports scolaires, modernisation des équipements ruraux, conservation des maisons de services) soient préservés. À l’échelle du périmètre intercommunal (la Communauté de Communes de la Vôge vers les Rives de Saône, fusionnée en 2017 avec la Comcom de la Haute Comté), la fusion a aussi permis d’optimiser les représentations et de mieux peser face aux centralités plus peuplées comme Le Val-d’Ajol ou Xertigny (CC Vosges).

Évolution de l’identité locale après la fusion

L’identité de Bains-les-Bains est faite de strates superposées : les anciens thermes impériaux, la tradition forestière, et une mémoire locale forte. La création de La Vôge-les-Bains ne fait pas disparaître ces héritages, mais les redistribue :

  • Un nom nouveau, une adjonction : Le choix du nom « La Vôge-les-Bains » marque la volonté d’ancrer l’union dans une géographie partagée (« la Vôge » désignant le plateau local) tout en conservant l’image thermale.
  • Renforcement de la mémoire collective : Les associations d’anciens des villages continuent d’organiser des évènements propres : fête du pain à Hautmougey, kermesse à Harsault. Les écoles sensibilisent au patrimoine local (ateliers sur l’histoire du thermalisme, recueil de témoignages d’habitants).
  • Usage public du nouveau nom : Sur les panneaux, les documents officiels, et la communication touristique, « La Vôge-les-Bains » s’est peu à peu imposé, même si le toponyme de Bains-les-Bains reste celui du centre-bourg.

Services publics et commune nouvelle : points forts et fragilités

La mutualisation des effectifs et des moyens a permis de :

  • maintenir la classe unique de Hautmougey plus longtemps (avant sa fermeture en 2022 à la suite d’un regroupement scolaire) ;
  • regrouper les équipes de nettoyage, de voirie et les secrétaires de mairie, pour une gestion plus souple ;
  • ouvrir l’accès aux équipements à l’ensemble des habitants : médiathèque, salle des fêtes, pratiques sportives mutualisées, navette pour l’hôpital, etc.

Cependant, certains points de friction subsistent :

  • les distances à parcourir parfois plus longues pour accomplir une démarche administrative ;
  • une difficulté à maintenir des permanences équitables dans les différentes mairies déléguées ;
  • le sentiment d’un service moins personnalisé dans les échanges quotidiens.

Patrimoine communal : adaptabilité ou mise en veille ?

La fusion a permis la sauvegarde et parfois la réhabilitation d’éléments du patrimoine :

  • Le lavoir de Harsault, réhabilité grâce à des fonds mutualisés.
  • L’église de Hautmougey incluse dans un plan pluriannuel de restauration.
  • Des ateliers de mémoire et d’archives désormais organisés à l’échelle de la commune nouvelle, valorisant les fonds d’archives de chaque commune ancienne.

Toutefois, la centralisation des investissements peut mettre en veille certains sites moins fréquentés ou moins prioritaires, nécessitant une vigilance constante des associations pour que la pluralité patrimoniale demeure vivante.

Effets de la fusion sur l’économie et le tourisme local

L’espoir d’une relance économique était un des leviers affichés lors de la fusion. Depuis 2017, quelques évolutions notables sont à relever :

  • Attractivité thermale consolidée : Les thermes, bien que confrontés à un léger recul de fréquentation nationale jusqu’à la crise sanitaire (d’après l’Observatoire THALION, 2019), restent au cœur de la stratégie touristique. La commune nouvelle leur donne un poids accru dans les démarches de promotion.
  • Développement de la randonnée et du tourisme vert : Les sentiers de la Vôge, nouvellement balisés, intègrent les trois territoires, offrant un maillage plus riche, valorisé par l’office de tourisme intercommunal.
  • Création de nouveaux hébergements : Depuis la fusion, plusieurs chambres d’hôtes et gîtes se sont installés, profitant d’une communication homogène et d’une accessibilité accrue aux subventions LEADER ou régionales.
  • Relance du marché hebdomadaire : L’unification du territoire a favorisé un marché hebdomadaire étoffé, mobilisant producteurs de toutes les anciennes communes.

Cependant, l’intégration n’a pas résolu tous les défis. La faible densité de population limite le dynamisme commercial, et l’enjeu de l’emploi local reste aigu. Sur le plan touristique, la concentration des efforts sur le pôle thermal ne doit pas masquer l’intérêt du patrimoine rural : scieries anciennes, fermes remarquables, forges et moulins.

Une recomposition territoriale en mouvement

Si la fusion de 2017 a profondément transformé le cadre administratif du bassin de Bains-les-Bains, ses effets sur la vie locale, le patrimoine et l’économie se forgent à l’aune du temps long. La mosaïque d’identités, de paysages et de patrimoines y résiste, s’y adapte, parfois s’enrichit. Cette recomposition impose à la fois flexibilité et vigilance pour préserver ce qui fait la singularité de chaque village, tout en imaginant de nouveaux projets partagés au sein de La Vôge-les-Bains. Un défi éminemment local, mais dont chaque habitant mesure, peu à peu, la portée concrète.

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