L’économie de la Vôge : le train, moteur insoupçonné
Nouvelle dynamique industrielle et agricole
Si la Vôge fut d’abord une terre de forges, c’est le chemin de fer qui rend visible à plus grande échelle la richesse de son sous-sol et de ses savoir-faire. À Bains-les-Bains, Le Clerjus ou Fontenoy-le-Château, les tanneries, scieries, ateliers de boissellerie et les savonneries profitent dès 1905 de l’expédition des marchandises par wagons complets, allégeant les coûts de transport autrefois assumés à dos de mulet ou par charroi. L’omnibus mixte qui relie la gare de Bains-les-Bains à Épinal transporte ainsi en 1907 :
- près de 8 000 tonnes de bois – produit-phare de la région,
- plus de 2 000 tonnes de produits agricoles (pomme de terre, céréales et la célèbre chicorée locale),
- quelques centaines de tonnes de denrées manufacturées destinées aux marchés urbains de Nancy ou de Paris (source : Rapports annuels de la Compagnie de l’Est, Archives nationales).
La traction ferroviaire encourage aussi la diversification des activités : des éleveurs de La Vôge vendent dorénavant leurs bêtes jusqu’aux abattoirs lyonnais. Certains sites comme le moulin du Pain-de-Sucre à La Haye, qui livrait jadis ses farines aux alentours, élargissent leur diffusion.
Bains-les-Bains, station thermale et « carrefour ferroviaire »
Au fil des années, la gare de Bains-les-Bains se transforme en véritable porte d’entrée pour les curistes. On compte, à l’été 1910, plus de 20 trains spéciaux affrétés pour la saison thermale. Les réservations groupées en gares parisiennes conduisent chaque année plusieurs milliers de voyageurs aux thermes. La modernité du rail démultiplie le rayonnement des établissements, dont la fréquentation passe de moins de 1200 curistes par an avant 1880 à plus de 4200 à la veille de la Première Guerre mondiale (source : « Les stations thermales des Vosges », Comité régional du tourisme Lorraine).
C’est aussi le paysage urbain qui évolue : de nouveaux hôtels, des garages pour les voitures hippomobiles puis automobiles, fleurissent autour de la gare. Les anciens loueurs de chevaux deviennent transporteurs de voyageurs, anticipant la complémentarité rail-route.