Sur les traces du patrimoine bâti et rural de Bains-les-Bains : monuments et demeures au fil du temps

23/10/2025

L’héritage thermal : des établissements aux façades évocatrices

Impossible d’aborder Bains-les-Bains sans évoquer son cœur thermal. L’histoire de la ville, comme celle de sa voisine Plombières, est indissociable de l’exploitation de ses sources chaudes — parfois qualifiées, dès le Moyen Âge, de « miraculeuses » pour leurs bienfaits sur les rhumatismes et affections diverses (cf. Mérimée/Inventaire général du patrimoine culturel). Plusieurs bâtiments témoignent aujourd’hui de cette étape décisive de l’histoire locale.

  • Les Thermes de Bains-les-Bains : L’actuel édifice est une combinaison de plusieurs campagnes de travaux menées entre le XVIIIe siècle et la Belle Époque. Les façades principales datent du début XIXe siècle, avec leur rigueur néoclassique, leurs balustres et frontons. Les baigneurs de jadis franchissaient déjà ce porche, tout comme le feront Alfred Nobel ou Berlioz, célèbres curistes (cf. "La Gazette thermale", 1885).
  • Le Pavillon Chauffour : Lessivé par le temps mais reconnaissable à son vaste parc, ce kiosque du XIXe siècle a longtemps accueilli jeux, concerts ou lectures, tandis que les promeneurs flânaient dans ses allées dessinées « à la mode anglaise ». Il bénéficie d’un décor sobre typique des constructions d’agrément de l’époque.

Les thermes, classés partiellement au titre des monuments historiques depuis 1995, se distinguent par la grande salle des pas perdus et ses décors de stuc, ainsi que par un savant réseau de galeries souterraines (cf. Base Mérimée).

Trésors religieux : entre roman, gothique et touches XIXe

Le patrimoine religieux occupe une place singulière à Bains-les-Bains. Deux églises résument l’évolution architecturale et spirituelle du bourg :

  • L’église Saint-Colomban : D’aspect extérieur somme toute modeste, elle doit sa célébrité aux fresques et à un baptistère du XIIe siècle ― rareté dans la région. Le chœur et les chapiteaux romans témoignent d’un lieu de culte déjà actif sous l’abbaye de Luxeuil, à laquelle était rattachée la paroisse jusqu’au XVIIIe siècle. L’église conserve un remarquable mobilier du XIXe siècle, dont une chaire en bois sculpté.
  • La Chapelle Saint-Valbert : Nichée à la sortie du bourg, elle fut lieu de retraite pour les ermites et de pèlerinages locaux. Plus modeste, elle a été remaniée plusieurs fois, mais possède encore sa voûte lambrissée et des santons de procession rares (cf. "Églises et chapelles de la Vôge", Société d’histoire locale).

Demeures notables et architecture domestique : de la bourgeoisie thermale aux maisons rurales

Bains-les-Bains n’est pas seulement marqué par ses infrastructures thermales. La physionomie de la commune a aussi été façonnée par les maisons bourgeoises et rurales qui jalonnent rues et hameaux. Plusieurs bâtiments, bien qu’en mains privées, sont visibles depuis la rue ou les chemins :

  • Le « Grand Hôtel » : Véritable paquebot urbain, il illustre la vocation touristique de Bains-les-Bains dès la fin du XIXe siècle. Ses 110 chambres accueillaient curistes et personnalités. Il conserve ses balcons filants, ses colonnes en fonte et de superbes mosaïques d’origine dans l’ancien hall (Source : Archives communales de Bains-les-Bains).
  • Le quartier du Rain Brice : On y trouve des maisons de maîtres à façades équilibrées, dont les encadrements de fenêtres témoignent du savoir-faire des tailleurs de pierre locaux. Le linteau gravé d’un lion — symbole héraldique d’un notaire du lieu — rappelle que la bourgeoisie urbaine s’est installée ici à la faveur du « boom thermal ».
  • Les Fermes de la Vôge : La typologie des fermes vôtiennes se distingue par leur toiture à croupe et leur disposition longitudinale. À Bains-les-Bains, particulièrement dans les hameaux de Hautmougey ou La Vernie, plusieurs bâtisses datent du XVIIIe siècle, intégrant parfois un « poële » ou four à pain communal. Les lucarnes en demi-lune, très présentes, permettent de dater aisément ces édifices (source : "La ferme vosgienne d’hier et d’aujourd’hui" d’Yves Muller, éditions du Musée vosgien).

L’héritage hydraulique et industriel : moulins, forges et traces d’innovations rurales

Au fil de la Côney et de ses affluents, Bains-les-Bains a vu naître de nombreux ouvrages liés à l’eau, moteurs d’un développement rural et artisanal souvent méconnu.

  • Le Moulin Gentrey : Ce moulin hydraulique du XIXe siècle, rénové, témoigne de l’activité meunière qui a perduré jusqu’aux années 1950. Bloc massif, roues à aubes, dépendances agricoles typiques et canaux d’amenée constituent un ensemble protégé où se lisent encore le quotidien des « mouliniers ».
  • Les forges de La Manufacture Royale : Bien qu’implantées à quelques kilomètres, elles ont irrigué de leur main-d’œuvre et de leurs innovations la vie de Bains-les-Bains, notamment par le logis du directeur et une série de maisons ouvrières conservées dans la commune. Établies dès le milieu du XVIIIe siècle, l’ensemble classe ses bâtiments principaux comme Monument historique depuis 1984 (cf. DRAC Grand Est).
  • Lavoirs et fontaines : Répartis dans de nombreux hameaux (La Filature, La Verrerie…), ces petits ouvrages manifestent la capacité d’adaptation des habitants au paysage humide de la Vôge. Certains, comme celui de Bellefontaine, arborent un fronton daté de 1842 ; on y trouve parfois l’inscription des corporations d’antan.

La mémoire des chemins ruraux et du petit patrimoine : croix, ponts et oratoires

Hors des sentiers battus, une multitude de modestes monuments ponctuent le territoire et en dessinent la mémoire collective.

  • Les croix de chemin : En granit ou pierre calcaire, souvent datées entre les années 1750 et 1910, elles matérialisent d’anciens carrefours ou la mémoire de familles locales. Plusieurs portent des inscriptions en patois, parmi lesquelles “Ste Colombe, priez pour nous” (cf. Inventaire participatif, AD88).
  • Les oratoires et niches votives : Discrets, parfois enfouis sous la mousse ou au coin d’une ferme, ils témoignent d’une religiosité populaire encore vivace au XIXe siècle. Sur le chemin de La Chapelle lès Bains, une Vierge en faïence veille sur les voyageurs.
  • Les ponts modestes : Le pont de pierres brutes sur la Côney, daté de 1767, servait au passage du bétail. Plusieurs franchissements, comme celui menant au moulin de La Voivre, conservent leur appareil d’origine et des marques typographiques des anciens maçons.

Ce que nous apprennent les restaurations et recherches récentes

  • Diversification des usages : Nombre de bâtiments sont aujourd’hui réinvestis : anciennes écoles devenues gîtes, viviers d’autrefois transformés en jardins partagés, dépendances agricoles devenues ateliers d’artistes.
  • Surveillance patrimoniale : Suite à l’enquête de 2019 du Service régional de l’Inventaire (DRAC Grand Est), 53 édifices de la commune ont été répertoriés pour leur valeur historique ou architecturale — chiffre en hausse de 15 % par rapport à 2008.
  • Mobilisation citoyenne : Associations et communes investissent dans la sauvegarde des lavoirs ou la restauration des croix, à travers des chantiers participatifs souvent relayés localement (cf. "Bains-les-Bains, patrimoine en mouvement", Conseil départemental 2022).

Un patrimoine vivant, au-delà des pierres

L’ensemble de ces bâtiments, modestes ou monumentaux, n’est pas qu’un décor figé : il s’inscrit dans une vie quotidienne, faite de cuisines partagées, de rénovation patiente ou d’initiatives culturelles nouvelles. Le patrimoine bâti et rural de Bains-les-Bains montre une capacité rare à traverser les siècles tout en s’adaptant : à la venue des curistes hier, à celle des nouveaux habitants ou touristes aujourd’hui.

La richesse de cette petite ville s’incarne autant dans ses thermes et hôtels cossus que dans la solidité discrète de ses fermes, le rythme régulier de ses croix de chemin, ou l’inventivité de ses moulins. C’est l’invitation à s’arrêter dans une rue, à pousser la porte d’un atelier ou encore à marcher hors des axes. Chaque pierre, chaque fontaine ou façade raconte un chapitre d’une histoire collective — la nôtre si l’on souhaite la continuer.

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