Bains-les-Bains, une histoire thermale enracinée : origine, évolution et héritage

23/07/2025

L’eau, une richesse enfouie : les origines des sources thermales

Situées au cœur de la Vôge, les sources de Bains-les-Bains constituent l’âme première de la cité. Enracinées dans un sous-sol riche en grès vosgien, elles doivent leur existence à une configuration géologique complexe : failles profondes, aquifères et circulations souterraines confèrent à l’eau ses propriétés minérales uniques. Dès l’Antiquité, leur présence fut soupçonnée, même si les premiers vestiges d’exploitation avérée remontent davantage au Moyen Âge (source : patrimoine thermal en Lorraine, Région Lorraine).

Identifiées par des moines et des fermiers, les sources ont vite été considérées comme bénéfiques pour les rhumatismes, les troubles circulatoires et, plus inattendu, certaines affections nerveuses. Au fil des siècles, près de 11 sources différentes furent captées et répertoriées autour du vallon du Bagnerot : chacune avec une composition minérale spécifique, faite notamment de sodium, calcium, magnésium et oligo-éléments.

Premiers bâtisseurs et développement des établissements thermaux

C’est à partir du XVIII siècle que Bains-les-Bains connaîtra un essor déterminant, sous l’impulsion de familles locales, d’officiers et de médecins éclairés. La construction des premiers bains date de 1735, sous l’aile protectrice des ducs de Lorraine. La notoriété grandit avec l’intégration à la France et le développement des voies de communication. Le XIX siècle voit la véritable “belle époque” thermale pointer son nez : salles de bain carrelées, bâtiments élégants, nouveaux bassins, forage de nouvelles sources pour répondre à l’affluence.

Entre 1850 et 1914, la fréquentation explose : sur certaines saisons, plus de 4 000 curistes venus de toute l’Europe affluent dans la station (source : Office de tourisme d’Épinal).

Architectes, médecins et figures marquantes

Parmi les bâtisseurs qui ont façonné le visage des thermes, Benoît Fraisse (architecte en chef dans la seconde moitié du XIX siècle) laisse un legs précieux, à la fois sobre et inventif. Sous sa main naît l’établissement central avec une architecture mêlant néo-classicisme et touches régionalistes, alliant fonctionnalité et attrait esthétique : grandes verrières, mosaïques et matières nobles.

Côté personnalités, on retient l’influence du Dr Émile Maucourt (directeur médical des établissements au début du XX siècle), qui modernise les approches thérapeutiques et contribue à la renommée médicale des eaux locales, assistant d’ailleurs à la venue d’illustres curistes, parmi lesquels Alfred de Musset et Élisa de Gamond.

Pratiques de cure et innovations médicales

L’offre de soin à Bains-les-Bains a toujours été étroitement liée à l’évolution de la médecine thermale. Dès le XIX siècle, la station développe plusieurs axes forts :

  • Bains et douches générales : pour troubles articulaires et dermatologiques (avec salles spécifiques pour hommes et femmes dès 1880).
  • Therapies circulatoires : bains à jets, douches filiformes, applications de boue – à partir de 1910, leur efficacité est documentée par la Société d’Hydrologie.
  • Appareils innovants : introduction d’hydrothérapie sous pression, caissons de sudation et premiers soins de physiothérapie dès les années 1930.
  • Soins pour les affections nerveuses : spécialité reconnue, avec dispositifs pour relaxation, douches toniques et programmes personnalisés selon les prescriptions médicales.

À l’apogée des cures au XX siècle, plus de 130 employés travaillaient sur le site, accueillant chaque année un public aussi bien populaire qu’érudit (Patrimoine Thermal - Inventaire général).

Les époques traversées : des fastes du XIX siècle à la mutation contemporaine

Le patrimoine thermal de Bains-les-Bains, loin d’être figé, a connu des hauts et des bas au fil des grandes séquences historiques :

  • XIX siècle : l’âge d’or, riche en investissements, en innovations médicales et en transformation urbaine. L’arrivée du chemin de fer en 1860 propulse la station : hôtels, casinos et villas fleuries éclosent autour des thermes.
  • XX siècle : la Grande Guerre marque une pause, suivie d’une reprise dans les années 1920 grâce à l’émergence du tourisme de loisirs. Après 1945, la nationalisation, puis la gestion par Chaîne Thermale du Soleil apportent leur lot de modernisations, mais doivent composer avec la concurrence accrue des autres stations.
  • XXI siècle : la fermeture temporaire des Thermes en 2023 pour rénovation, dans un contexte de déclin démographique, pose la question de l’avenir. Des associations locales militent pour la sauvegarde du bâti et la réinvention de l’offre bien-être.

Les épisodes de fermeture laissent entrevoir la résilience de la commune, avec de nouveaux projets et débats sur la patrimonialisation.

Édifices emblématiques et patrimoine bâti

La richesse architecturale de Bains-les-Bains se perçoit à travers ses ensembles thermaux, mais aussi ses alentours :

  • Grand établissement thermal (bâtiment central, 1885) : avec sa façade symétrique, son escalier monumental et ses mosaïques de sol, il constitue la pièce maîtresse du site.
  • Temple protestant : construit en 1868, il rappelle la dimension “internationale” de la station.
  • Villa Hygie : demeure du médecin-chef, mêlant art nouveau et régionalisme, aujourd’hui partiellement conservée.
  • Ancien hôtel de la Société des Bains : témoin de la vie mondaine du siècle précédent, transformé en résidence privée mais toujours observable depuis la rue.
  • Parc thermal et kiosque à musique : havres de verdure classés, proposant un parcours historique jalonné de vieux arbres et vestiges de fontaines.

Plusieurs façades et sols des thermes sont inscrits à l’Inventaire des Monuments Historiques (Base Mérimée).

Effets des fermetures et réhabilitations sur la commune

La fermeture des thermes (en 2023, pour rénovation) a eu un effet double sur la commune : un manque à gagner immédiat pour certains commerces, mais aussi une réactivation des cercles de mémoire et de projets alternatifs. Les restaurateurs et hébergeurs se sont adaptés, des activités annexes (randonnée, ateliers d’artisanat, valorisation du Petit Patrimoine) ont été relancées avec l’appui de la municipalité et des associations comme Les Amis du Vieux Bains.

Lors de la précédente rénovation, au début des années 1990, la même situation avait produit des effets similaires, mais aussi fait émerger des réseaux de solidarité (aide aux saisonniers, circuits courts). Certains locaux évoquent la “solidarité thermale” resurgissant lorsque la vie économique se contracte autour de la station.

Empreintes du passé : ce que le patrimoine thermal a laissé en héritage visible

Aujourd’hui, à Bains-les-Bains, nombre d’éléments rappellent le faste passé :

  • Le hall d’accueil et les verrières, accessibles lors des Journées du Patrimoine.
  • Les anciennes inscriptions de source (en pierre ou en émail) disséminées dans la ville.
  • Des hôtels requalifiés, dont la façade XIX est inchangée.
  • Les réseaux de distribution d’eau thermale, en partie visibles dans les souterrains (parfois ouverts lors de visites guidées).
  • La mémoire orale : anciens employés, guides bénévoles, témoignages audio retranscrits par les associations.

Préserver, raconter, transmettre : valorisation et protection du patrimoine

La protection du patrimoine thermal est aujourd’hui portée par un ensemble de dispositifs :

  • Classement au titre des Monuments Historiques de bâtiments et de certaines parties intérieures (piscine, mosaïques, vestibule principal depuis 1986).
  • Actions de l’Inventaire Régional du Patrimoine, organisant relevés, expositions et publications annuelles.
  • Tours guidés gratuits, ateliers pédagogiques pour scolaires, expositions temporaires dans l’ancien hôtel thermal sous l’égide de la commune.
  • Publication de récits de curistes et d’anciens employés, notamment par la société d’histoire locale et la médiathèque de La Vôge-les-Bains.

Des campagnes de financement participatif et d’appels à idées accompagnent désormais la réflexion pour inventer un nouvel avenir, conciliant activités thermales, hébergement, nouvelles formes de tourisme de bien-être et valorisation des lieux.

Un héritage vivant au cœur de l’identité locale et du tourisme

L’histoire du patrimoine thermal reste aujourd’hui un facteur d’attractivité et de fierté. Si la fréquentation touristique n’atteint plus les sommets d’antan (on compte environ 3 500 curistes sur la dernière saison complète avant rénovation, source : Chaîne Thermale du Soleil), le site accueille toujours des amateurs d’histoire, des familles, des marcheurs. La mémoire du thermalisme infuse aussi les manifestations locales – concerts dans le parc thermal, fêtes du patrimoine, semaine de la mémoire ouvrière.

Le patrimoine thermal de Bains-les-Bains invite constamment à la découverte et à l’interprétation. Il rappelle combien cette petite ville discrète a su, grâce à ses eaux et à ses pierres, marquer l’histoire vosgienne – et inspire encore aujourd’hui, à chaque saison, le pas de ceux qui arpentent ses allées.

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