Aux Origines de La Vôge-les-Bains : l’itinéraire d’une création communale

29/06/2025

Genèse d’une commune nouvelle : pourquoi et comment fusionner ?

L’histoire administrative de La Vôge-les-Bains ne date que de quelques années, mais elle s’inscrit dans un mouvement plus large, amorcé dans toute la France au début du XXI siècle : celui de la création des « communes nouvelles ». Cette démarche, soutenue par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, puis amplifiée par la loi n°2015-292 du 16 mars 2015 (dite loi « Marcellin » modernisée), visait à donner un coup de jeune à la carte administrative française. La Vôge-les-Bains est née officiellement le 1 janvier 2017 de la fusion de trois communes : Bains-les-Bains, Harsault et Hautmougey, toutes situées dans le sud-ouest des Vosges.

Mais derrière ce fait d’état-civil, quelles ont été les étapes concrètes qui ont mené à la naissance de La Vôge-les-Bains ? Retour chronologique sur une décision mûrie localement, entre obligations réglementaires, débats de proximité et espoir d’une nouvelle dynamique pour ce territoire de la Vôge.

Les prémices : des villages à la croisée des chemins

Avant de parler de fusion, il faut saisir la réalité administrative et sociale des trois villages concernés dans les années 2000 :

  • Bains-les-Bains  dispose d’un passé thermal, d’infrastructures en matière de services (écoles, commerces, services publics) et d’une vie associative relativement dense pour environ 1 200 habitants.
  • Harsault  et Hautmougey, plus petits (environ 240 et 110 habitants respectivement), vivent principalement de l’agriculture, de la forêt et sont marqués par la dispersion de l’habitat.

Comme bien d’autres communes rurales, ces entités font face à la baisse des dotations de l’État, la nécessité d’adapter les services publics et une population globalement vieillissante.

Première étape : l’émergence de la réflexion (2015-2016)

L’idée d’une fusion ne naît jamais du jour au lendemain. Dans les Vosges, elle se cristallise à partir du moment où l’État incite de plus en plus les élus à envisager des regroupements. Dès l’automne 2015, les conseils municipaux de Bains-les-Bains, Harsault et Hautmougey engagent des réunions et des échanges pour évaluer les possibles synergies : mutualisation du personnel, gestion du patrimoine communal, avenir des écoles. La municipalité de Bains-les-Bains, consciente de son rôle moteur, convoque pour la première fois une réunion publique à la salle des fêtes en février 2016, ouverte à l’ensemble des trois villages.

Les questions posées sont concrètes : 

  • Sous quel nom se regrouper ?
  • Comment maintenir l’identité de chaque village ?
  • Quels seraient les avantages financiers ?
  • Est-ce que chaque clocher conservera ses fêtes et ses traditions ?

Les premiers échanges sont prudents, teintés d’inquiétudes légitimes. Le souvenir, parfois amer, de regroupements scolaires passés hante certai(e)s habitants. Mais l’intérêt, notamment la préservation des services publics, emporte la première adhésion de la majorité des conseillers municipaux.

Étape décisive : les délibérations et les consultations

  • Printemps 2016 : analyse et information Un groupe de travail intercommunal planche sur la faisabilité. Il s’inspire d’autres exemples vosgiens, comme celui de Capavenir Vosges (ancienne commune nouvelle autour de Thaon-les-Vosges, devenue Ville de Thaon-les-Vosges en 2022). Les élus se rendent à des réunions d’informations organisées par l’Association des Maires des Vosges et la préfecture.
  • Été 2016 : réunions publiques En juin et juillet, plusieurs réunions publiques sont organisées tour à tour dans les mairies des trois communes. On y explique les mécanismes de la loi : si les communes fusionnent avant le 1er janvier 2017, elles bénéficieront de la garantie de leurs dotations de l’État sur trois ans (puis une minoration progressive).
  • Sondages informels et retours terrain Les habitants sont invités à s’exprimer lors d’ateliers et par le biais de registres déposés en mairie. Près de 150 retours sont comptabilisés (source : archives des mairies concernées).

À ce stade, la question du nom est soumise à débat. « Vôge-les-Bains » s’impose comme un compromis entre le passé thermal et l’identité locale. La présence fréquente du terme « Vôge » dans l’appellation des intercommunalités et des associations du secteur contribue à forger ce consensus.

Les actes administratifs officiels

1. Les votes au conseil municipal

  • Septembre 2016 : adoption des délibérations Chacun des trois conseils municipaux convoque une séance solennelle à l’automne. Il s’agit d’un vote à la majorité absolue. Dans le cas de Bains-les-Bains, sur 19 conseillers présents, 15 votent pour la fusion, 2 contre, 2 s’abstiennent (source : compte rendu du conseil municipal de septembre 2016). À Harsault et Hautmougey, quelques dissensions émergent, mais les deux maires appuient le projet, évoquant « l’union pour ne pas subir », selon le registre du conseil de Harsault.

2. Le dossier transmis à la préfecture

  • Dès l’automne 2016, les délibérations, accompagnées d’une étude d’impact sur les finances, la gouvernance et l’organisation communale, sont transmises au préfet des Vosges. Ce dernier s’assure que la procédure légale est bien respectée, notamment que le nom, les statuts et le siège social de la commune nouvelle figurent dans les actes.

Le 29 décembre 2016, la préfecture publie l’arrêté préfectoral officialisant la création de La Vôge-les-Bains au 1 janvier 2017.

3. Dissolution des anciennes communes et naissance juridique

  • À compter du 1 janvier 2017, les trois anciennes communes perdent leur personnalité juridique au profit de la nouvelle commune. En droit, il ne subsiste plus que La Vôge-les-Bains, même si les anciennes communes deviennent des « communes déléguées » dotées d’un maire délégué.
  • Une nouvelle équipe municipale transitoire est installée, composée de l’ensemble des anciens conseillers municipaux, jusqu’aux élections municipales suivantes en 2020.

Conséquences immédiates et fonctionnement de la nouvelle commune

Avec sa création, La Vôge-les-Bains fait partie des 517 communes nouvelles apparues en France entre 2015 et 2017 (source : DGCL, ministère de l’Intérieur). Ses 1 550 habitants bénéficient de plusieurs avantages :

  • Maintien du niveau de la dotation globale de fonctionnement pendant trois ans, contrairement aux communes isolées.
  • Mutualisation des achats, des équipements et du personnel : certains services sont désormais partagés (voirie, médiathèque, écoles, etc.).
  • Représentation renforcée à la communauté d’agglomération via des sièges répartis selon la population agrégée.

Cela ne se fait pas sans questionnements : dans les premiers mois, des ajustements sont nécessaires pour la gestion des budgets annexes (thermes, forêts communales…), la modification des noms de rues doublons, ou la logistique des festivités. Les conseils de village (communes déléguées) relaient de petits travaux ou des besoins particuliers de chaque hameau, afin de garantir la proximité.

Des enjeux identitaires et un territoire recomposé

Les étapes administratives se sont donc déclinées sur plus d’une année, mais leur enjeu allait bien au-delà des signatures de documents officiels. Localement, les habitants témoignent d’une double perception : le souci de conserver l’histoire du clocher et la volonté de continuer à agir pour l’avenir. La fusion n’a pas effacé les différences : la mémoire des fêtes patronales, l’attachement à l’école du village, l’Histoire propre à chaque bourgade sont maintenus, même si la gouvernance est désormais unifiée.

Quelques anecdotes retiennent l’attention des habitants :

  • L’élection du premier maire de la commune nouvelle, lancée dans la salle du conseil municipal élargie, a été l’occasion d’un rare moment d’unité entre les ex-villages.
  • Des plaques signalétiques référençant l’ancien nom des communes ont été installées, en concertation avec les habitants qui redoutaient de « perdre » leur identité.
  • La création d’un bulletin communal commun, mais avec une double page consacrée à chaque ancienne commune déléguée, pour que chaque coin de La Vôge-les-Bains garde voix au chapitre.

Pour aller plus loin : chiffres clés et sources documentaires

  • Population 2016 (avant fusion) : Bains-les-Bains : 1 233 habitants ; Harsault : 242 ; Hautmougey : 109. Source : INSEE.
  • Nombre de km du territoire : 36,39 km ; la taille du nouveau périmètre équivaut à deux fois celle de la plus grosse commune voisine, Fontenoy-le-Château.
  • Période officielle du processus administratif : septembre 2015 (premiers échanges exploratoires) à 1 janvier 2017 (entrée en vigueur).
  • Arrêté préfectoral du 29 décembre 2016 : lien public.
  • Inspiration du processus local : analyse des arrêtés des communes nouvelles voisines (La Vôge-les-Bains s’est aussi inspirée de Darnieulles ou du regroupement de Uriménil et Uzemain, discussions de la CC Voivres-le-Grand).

Et maintenant : quelle manière d’exister ensemble ?

La création de La Vôge-les-Bains marque à sa façon une étape de l’histoire locale faite d’adaptations et d’inventivité. Les étapes administratives furent nombreuses, précises, et parfois complexes : elles sont aussi le reflet d’une réalité, celle d’un territoire rural qui choisit de se regrouper pour mieux exister, sans renier ses racines. Aujourd’hui encore, la commune nouvelle poursuit ce chemin, entre efficacité administrative et préservation des singularités locales. Ce n’est peut-être là qu’une nouvelle page de l’histoire de la Vôge, à écrire collectivement.

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