Avant de plonger dans les vestiges industriels encore visibles, il est important de comprendre pourquoi Bains-les-Bains a été particulièrement propice à ce développement. Deux éléments clés expliquent cet essor : les ressources naturelles abondantes et une situation géographique favorable.
La région de Bains-les-Bains est traversée par plusieurs cours d’eau, notamment la rivière Côney, qui servait à la fois de force motrice pour les moulins et les usines et de moyen de transport pour les marchandises légères. Les vastes forêts de la Vôge fournissaient le bois, tandis que les sols argileux alentours alimentaient la production de céramiques et de briques.
Mais c’est surtout la richesse en minerais de fer dans les environs qui a conduit au développement des premières forges dès les XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles. Ces activités artisanales ont ensuite évolué au fil des progrès techniques pour devenir des industries à proprement parler.
Bains-les-Bains bénéficie par ailleurs d’une localisation avantageuse. Située à la croisée de plusieurs routes commerciales régionales, la commune a su tirer parti de cette position pour écouler ses productions industrielles. Avec la construction de la ligne de chemin de fer entre Épinal et Jussey au XIXᵉ siècle, les échanges ont encore été facilités, ouvrant la voie à une intensification économique.
Si l’on devait retracer les grandes activités industrielles qui ont marqué ce territoire, trois d’entre elles se démarquent particulièrement : la métallurgie, l’industrie textile et la production de papier.
Le travail du fer fut l’une des premières grandes activités industrielles de la région. Les forges alimentées au charbon de bois local ont prospéré dès le XVIIᵉ siècle, produisant notamment des outils et des pièces pour l’agriculture. Au XIXᵉ siècle, l’arrivée de fours plus performants a permis d’élargir la gamme des produits, et Bains-les-Bains s’est spécialisé dans des pièces métalliques plus complexes, utilisées dans la construction et le transport.
Un exemple emblématique est celui des ateliers de la famille Viry, qui ont marqué l’histoire industrielle locale en produisant des équipements métalliques innovants jusqu’au milieu du XXᵉ siècle. Aujourd’hui, plusieurs bâtiments en brique et acier témoignent encore de cette période florissante.
Sous l’impulsion de la révolution industrielle, l’industrie textile a également marqué Bains-les-Bains. Plusieurs petites filatures de laine et de coton ont vu le jour au XIXᵉ siècle, profitant de l’abondance de l’eau pour alimenter les machines et pour teindre les tissus. Cependant, cette activité, bien que prospère à ses débuts, n’a pas résisté à la concurrence des grandes manufactures de l’Est et a progressivement décliné à partir du XXᵉ siècle.
Le travail du papier, quant à lui, a laissé une empreinte durable. Grâce à la présence de cours d’eau, indispensables pour le rinçage des fibres et l’acheminement des produits, de petites papeteries se sont implantées dans la région. Ces activités artisano-industrielles ont perduré jusqu’au début du XXᵉ siècle.
Deux papeteries, notamment, sont souvent citées dans les archives : celle des frères Gauthier et celle de la famille Thomas. Elles produisaient principalement du papier pour l’impression et ont participé, à leur échelle, à l’essor de l’industrie locale.
Si beaucoup des usines et ateliers de Bains-les-Bains ont fermé leurs portes, cette histoire industrielle reste perceptible dans le cadre bâti et les traditions locales.
En vous promenant à Bains-les-Bains, il suffit de lever les yeux pour remarquer les traces de l’époque industrielle : des bâtiments en briques rouges, typiques des usines du XIXᵉ siècle, des cheminées d’anciennes forges qui percent encore le ciel, ou encore des maisons ouvrières regroupées dans certains quartiers.
Certains de ces lieux, comme le site de l’ancienne usine Viry, ont fait l’objet de tentatives de reconversion afin de conserver la mémoire de cette époque, bien que les projets soient parfois entravés par leurs coûts ou des problèmes structurels.
Enfin, l’industrie a laissé une empreinte moins tangible mais tout aussi importante : celle des savoir-faire. La métallurgie, par exemple, a inspiré plusieurs artisans du métal qui continuent de travailler dans la région, perpétuant des techniques héritées de leurs aïeux. De même, certains passionnés de patrimoine textile ou papetier travaillent à faire revivre ces métiers oubliés, souvent à travers des expositions ou des ateliers participatifs.
S’intéresser à l’histoire industrielle de Bains-les-Bains ne se résume pas à feuilleter des archives poussiéreuses. Cela permet aussi d’interroger notre relation aux ressources locales et aux savoir-faire artisanaux. Aujourd’hui, ce patrimoine pourrait devenir un atout pour un tourisme durable, axé sur la redécouverte des métiers d’autrefois et le respect des paysages façonnés par l’industrie.
Et si le passé industriel, loin d’être oublié, devenait une source d’inspiration pour construire un avenir qui conjugue traditions et innovations ? Bains-les-Bains, avec son riche héritage, a sûrement un rôle à jouer dans cette réflexion.
À chaque visite ou promenade, vous pourrez désormais porter un regard plus averti sur ces vieux murs, ces noms de lieux et même ces objets qui, bien qu’effacés par le temps, chuchotent encore l’histoire d’une région qui n’a jamais cessé de se réinventer.